Expérience africaine

Expérience africaine

Les choix d’une vie – 26/02/13

Dans son dernier roman Les fidélités successives, Nicolas d'Estienne d'Orves écrit en guise de dédicace à ses enfants « Pour Valentin et Victor, mes fils, qui apprendront vite que la vie est une question de choix… ». Cela fait désormais une semaine que cette phrase me hante, nuit et jour. Maligne, elle s'incruste dans les cases vides de mon cerveau, sachant parfaitement que ma mémoire me fait défaut depuis quelques temps déjà… Tenez, pas plus tard qu'aujourd'hui même, il m'aura fallu mettre la maison sens dessus dessous, afin de retrouver l'un des cadeaux d'anniversaire de mon cher et tendre, que j'avais tout simplement enfoui dans le tiroir de mon secrétaire…Et puis, cette phrase s'installe inopinément dans mon être tout entier, prend ses aises et s'amuse à me faire souffrir telle une douleur lancinante avant de me lâcher puis revenir sur la pointe des pieds sans crier gare…

« mes fils », « la vie est une question de choix ». Comment ne pas vivre avec ses mots qui dansent dans ma tête comme une ritournelle après ce jour maudit de l'enlèvement, près du parc de Waza, au Cameroun, mardi 19 février 2013 ? Je revois les articles dans la presse française relatant la disparition d'une famille française dans le nord du Cameroun. A cet instant précis, Raphaël et moi-même, avons pensé aux amis et connaissances qui vivent toujours à Douala. Malheureusement, impossible d'avoir plus de nouvelles des uns et des autres en cette période de vacances scolaires. Ce n'est que tard le soir, en nous connectant sur Facebook que nous avons lu le message d'une amie d'amie, angoissée, à l'idée qu'il puisse s'agir d'une famille avec laquelle elle avait sympathisé à Bucarest. Son angoisse s'est transformée en terreur, quelques minutes plus tard, lorsque son doute s'est avéré bel et bien réel…A cet instant précis, les mots affichés dans les messages de cette femme m'ont giflée violemment et propulsée dans le fond du canapé : famille française, expatriée, Cameroun, 4 enfants…4 garçons, 12 ans, 10 ans, 8 ans, Bucarest. Je n'ai pas pu m'empêcher de rentrer le nom de famille des otages lorsqu'il est apparu sur mon écran. Une curiosité malsaine, me direz-vous. J'avoue que rien ne pouvait m'arrêter dans cette soif de savoir. Quel ne fut pas mon désarroi en cliquant sur le moteur de recherches et en découvrant le nom de la femme enlevée accolé à celui du Lycée Français Anna de Noailles de Bucarest. Après recoupement d'informations avec les anciennes collègues, j'ai réalisé que les enfants avaient été scolarisés dans notre établissement et que je suis partie au Cameroun l'année où j'aurais dû avoir leur 2e garçon dans ma classe. Nous n'avons pas été intimes avec eux, mais une chose est sûre : nous les avons croisés…

Cet affreux mardi soir, nous sommes restés sous le choc, abasourdis par tant de similitudes entre nos 2 familles. Comme eux, nous avons fait le choix d'une famille nombreuse. Comme eux, nous avons fait le choix d'une vie à l'étranger pour y découvrir une variété de cultures. Comme eux, nous avons choisi de nous expatrier en Roumanie. Comme eux, nous avons fait le choix du Cameroun. De tous ceux qui ont fait le choix de partir visiter la réserve de Waza, tous sont revenus, enchantés. Comme me le faisait remarquer une ancienne amie de Douala, 10 auront réussi l'aventure, pas le 11e. A quoi ça tient ? Nul ne le sait. Encore moins ces donneurs de leçons, ces petites gens qui, tout en n'étant jamais sortis de chez eux, se permettent de parler d'inconscience, de folie et j'en passe. Car il faut dire que l'on aura tout lu au sujet de l'enlèvement. C'est à se demander à quoi servent les rubriques « commentaires» des quotidiens en ligne. Un conseil, ne prenez surtout pas la peine de les lire. Il s'agit d'un ramassis de conneries de Messieurs-dames bien pensants qui déversent leur « savoir» tel du purin sur un champ de patates ! Bref, toujours est-il que lors de nos 3 longues années passées au Cameroun, hormis les « coupeurs de route » dont on entendait parler de temps à autre et qui vous dépouillent de vos effets personnels, aucun risque particulier n'était à craindre.  

Je terminerai mon article avec un message d'espoir pour cette famille dont on se sent si proche. Visionner la vidéo si cruelle les montrant tous les 7, hier, m'a bouleversée. J'y ai vu notre reflet. Pourquoi eux ? Ça aurait pu être nous. Un choix terrible…

« Pour Valentin et Victor, mes fils », gardons les V de ses jolis prénoms telle une Victoire en laquelle nous croyons. Restons tous unis en ces moments cauchemardesques.



27/02/2013
2 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 6 autres membres